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Resculpter la ville

Dans l’esprit des recherches récentes sur le graffiti sonore, illustrées par exemple par David Renault, qui a dispersé dans la ville des étuis sonores aimantés, sur les descentes de gouttière ou sur les poteaux métalliques, le collectif des Grandes Personnes a imaginé d’intervenir dans le paysage urbain en y insérant des graffitis sculptés.
La vocation de la compagnie est en effet de faire sortir les Arts plastiques dans la rue, de les mener à la rencontre de tous les publics, mais aussi de le faire participer à des créations ambitieuses. Elle l’a longtemps fait en construisant des chars de carnaval ou des marionnettes géantes et elle envisage aujourd’hui de riveter dans les façades des bas-reliefs réalisés en ciment polychrome, à partir de moules.
Les rues des villes ont présenté des sculptures ou des bas-reliefs, qui avaient des fonctions souvent différentes de celles qu’offraient les édifices religieux. En Europe, avant que les rues ne soient numérotés, statuettes et reliefs servaient à repérer les maisons, et l’on donnait une adresse en précisant « au chef (tête) saint-Jean-Baptiste », au « Pilier rouge ». Si certains de repères étaient constitués par des enseignes, posées perpendiculairement à la rue, d’autres lui étaient parallèles sculptés dans les piliers ou sur les pans de bois. Dans les villes romaines, c’étaient les commerces, boulangerie, taverne etc. qui étaient signalés par des bas-reliefs de pierre encadrés. Ils ont célébré les réussites et l’ancienneté de la famille qui habitaient la maison sous formes de blasons et, antérieurement encore, ils ont aussi eu une vocation protectrice et défensive, quand ils représentaient des animaux, des divinités ou de saints, gardiens de la demeure.
Même quand ces fonctions pratiques ou magiques se sont affaiblies, les reliefs sur la façade ont continué à exister et se sont même multipliés jusqu’au début du XXe siècle. Le lexique architectural des éléments décoratifs est particulièrement riche : les figurations de visage peuvent être des mascaron (en forme de masque), médaillon (inscrit dans un cercle), hermès s’ils sont réduits à un buste prolongé par une gaine ou même des grotesque ; les personnages qui soutiennent un entablement peuvent être des atlantes, des cariatide ou cariatides gainées (dont seule la moitié supérieure est dégagée de la masse), des télamons ; tout le monde connaît les gargouilles et on trouvera aussi des trophées d’objets variés, et d’autres manières de délimiter les zones sculptées, comme la cartouche inspirée de l’Égypte antique.

Cependant les graffitis sculptés des Grandes Personnes veulent être davantage que des éléments décoratifs : conçus par série de quatre ou cinq, représentant des personnages, visages, objets ou saynètes, ils formeront une histoire au fil de la rue ou autour d’un pâté de maison. Ainsi, se créeront dans la ville de nouveaux parcours, de nouveaux récits, une nouvelle orientation dynamique.
En collaboration avec un historien local (qu’il soit professionnel ou amateur), un plasticien et un écrivain, les habitants du secteur créeront en atelier des récits brefs, qui engendreront des bas-reliefs qu’il suffira ensuite de fixer sur les murs du quartier, à des emplacements choisis, pour rappeler les grands ou petits faits de l’histoire locale, ses héros ou ses perdants notoires. Les moulages en ciment polychrome pourront recevoir des finitions variées et pourquoi pas être peints d’une couche de peinture supplémentaire si nécessaire. L’utilisation de moules permettra à chacun des participants de l’atelier de rapporter chez lui un exemplaire d’un des bas-reliefs affichés, qui se fera l’écho à l’intérieur de son jumeau, à l’extérieur.

Bas-reliefs : Christophe Bocal Evette