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Si tu tombes

Si tu tombes, un spectacle du cycle « En-jeu »

Pour retracer la naissance de la sécurité sociale moderne, Si tu tombes propose à groupe de spectateurs de revivre les réunions clandestines du Conseil national de la Résistance et l’élaboration de son programme pour l’après-guerre, intitulé Les Jours heureux, rendu public le 15 mars 1944. Articulant spectacle fixe et déplacements collectifs, intérieur et extérieur, clandestinité et espace public, le spectacle est joué avec des éléments de décor et des personnages en carton découpé, pour créer une œuvre plastique résolument contemporaine qui rappelle la fragilité du souvenir et les jeux des petites filles d’antan.

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SI TU TOMBES AUJOURD’HUI ?

On a beaucoup parlé ces dernières années du programme du Conseil national de la Résistance, sans toujours savoir réellement ce que c’était, sans mesurer dans quelles conditions de clandestinité, de persécution, mais aussi de discorde, de chaos et d’urgence, il a été signé.
Ce qui motive notre écriture n’est pas tant un devoir de mémoire (incontestable), qu’un désir de consulter la généalogie de l’époque contemporaine, et aussi un plaisir de se souvenir de luttes ardues mais victorieuses, un besoin de les rappeler dans leur réalité, en y réintégrant les corps, les destins individuels, et finalement un appel à résister, à s’extraire des consensus gris et mortifères pour agir malgré les difficultés.

Si tu tombes, photo Julia Renaud

Pourtant, sans le sacraliser, ce texte de combat témoigne, en plein danger, en pleine persécution sous le joug nazi, d’une imagination étonnante, d’un projet d’avenir généreux pour l’ensemble de la population, alors que le décor de l’Occupation et de la Collaboration, l’intensité de la répression, la pauvreté généralisée et organisée auraient dû pousser au pessimisme.
Les gens qui ont élaboré et porté ce projet de société faisaient partie d’une petite minorité pourchassée, pourtant ils ont fait preuve d’une générosité envers les générations à venir qui reste une source d’inspiration. C’est en cela que ce manifeste nous passionne, alors que notre époque semble parfois en panne de projets.
D’ailleurs, Si tu tombes s’inscrit dans un cycle plus vaste baptisé « En-Jeu » établissant l’inventaire des grandes conquêtes sociales du XXe siècle, inauguré par les Grandes Personnes avec La Ligne jaune dès 2012, texte réalisé à partir d’entretiens avec des ouvriers de l’usine Renault de Cléon, joué par une actrice et des santons de terre cuite, et poursuivi avec les sculptures textiles de La Bascule (2014) qui racontait les années qui ont précédé l’abolition de la peine de mort.

Si tu tombes, photo Suzane Brun
Si tu tombes, photo Suzane Brun

URGENCE ET UNANIMITÉ

Le texte, les débats et même le rythme du spectacle sont structurés par deux impératifs : comme les membres du Conseil national de la Résistance représentent chacun un ou plusieurs mouvements, et qu’ils n’ont pas été élus, les décisions ne s’y prennent qu’à l’unanimité, et un seul avis négatif peut empêcher une décision. Toutefois, réunir autant de représentants de la Résistance est extrêmement risqué, et la durée des débats est un enjeu de sécurité que « Max », l’envoyé de Londres, puis son successeur peuvent utiliser pour abréger la discussion.

LE PARI DU SECRET

Outre les valeurs de courage et de solidarité que la Résistance véhicule, l’un des intérêts de travailler sur un épisode de son histoire, c’est d’essayer une forme de connivence discrète, de partage clandestin, à l’opposé des scènes tonitruantes et des défilés bruyants.

Une réunion secrète commence, on y entre prudemment, on débat sans crier. Les participants ne sont connus que par leurs noms de guerre, « Max », « Villon », « Argonne ». Un signal d’alarme retentit, ils doivent se disperser. Se mêlant aux passants, ils suivent un parcours, guidés par des interventions presque invisibles aux yeux des non-initiés. Si les Résistants distribuent un tract, récupèrent des faux papiers, écoutent la radio, collent une affiche, ils doivent le faire avec prudence, « sous le manteau ». Ce déplacement en cours de spectacle offre l’occasion de marquer la disparition du premier président du CNR, Jean Moulin, seulement connu sous le nom de « Max », et de souligner le rôle de tous les anonymes de la Résistance.
Puis on se retrouve, et la réunion reprend, jusqu’à aboutir à un programme commun de la Résistance, dont on imprime un extrait à la fin du spectacle et que l’on confie aux participants pour qu’ils le diffusent subrepticement. Pour des raisons de sécurité, le document est intitulé Les Jours heureux.

UN OPÉRA DE PAPIER

La Résistance intérieure n’avait pas accès aux médias, et la lutte passait par le papier, tracts, papillons, affiches, journaux, mais aussi faux papiers ou cartes de rationnement… Aussi avons-nous décidé d’accorder une place centrale au papier, passé de main en main ou affiché. Tous les objets du spectacle et éléments de décor sont représentés en papier et en deux dimensions, ils se déploient progressivement et sont manipulés à vue, comme autant d’objets de théâtre. Pour les éléments du décor, nous utilisons de préférence des gravures issues du catalogue de la Manufacture d’armes et de cycles de Saint-Étienne, témoignage d’époque d’une entreprise qui a refusé de collaborer avec l’occupant.
Par ailleurs, même si le spectacle offre une reconstitution des réunions du Conseil national de la Résistance, il trouve son équilibre et son dynamisme dans un dépassement de l’iconographie historique.
Enfin, le spectacle comprend l’impression réelle, en direct, d’une page du programme du CNR, sur une ronéo d’époque, que les spectateurs peuvent distribuer sous le manteau par la suite.

Si tu tombes, photo Suzane Brun
Si tu tombes, photo Suzane Brun

L’ÉQUIPE DE SI TU TOMBES

Conception : Christophe Evette
Texte : Jean-Baptiste Evette
Mise en scène : Nicolas Gousseff
Jeu : Benoît Hamelin, Raphaële Trugnan, Pauline de Coulhac, Cédric Lasne
Scénographie : Sigolène de Chassy assistée de Valentine Hébert, Julie Bossard, Julia Renaud
Régie et son : Cédric Lasne